lundi 24 août 2009

LE XX°S CHAPITRE 41 : LE POP'ART

CHAPITRE 41 LE POP'ART

Jacques ROUVEYROL



I. INTRODUCTION

On distingue deux courants du pop'Art :


- Le courant anglais avec David Hockney, Richard Hamilton et Eduardo Paolozzi.
- Le courant américain.

Le coup d’envoi du Pop'Art est donné par les expositions de Claes Oldembourg et de Jim Dine en décembre 1961 et janvier 1962.
Ni l’un ni l’autre ne sont des artistes Pop, mais ils sont les précurseurs du Pop'Art dans la mesure où ils donnent à voir des œuvres qui représentent des artefacts de la vie quotidienne.

a. Le Pop'Art est un art représentant des images empruntées à l’art commercial et qui utilise des techniques mécaniques et impersonnelles qui sont celles de la publicité : photo-sérigraphies, d’Andy Warhol, décalques de trame Ben Day de Roy Lichtenstein, utilisation de l’aérographe, etc. La forme et le contenu se rejoignent: objets de série, technique utilisée pour la production en série.

Rigoureusement parlant, ne correspondent à cette définition que quatre artistes: Warhol, Lichtenstein, Rosenquist et Wesselmann.

b. Les artistes de l’Assemblage utilisaient des détritus, des objets de rebut. Les Pop-artistes représentent des objets flambant neufs.

c. Les œuvres Pop ne sont pas davantage des ready-made à la Duchamp (même si elles leurs sont redevables en ce sens que l’objet industriel balaye la représentation de l’objet naturel et ce, jusque dans le portrait qui sera celui de la Star, artificiel par définition). Ce sont des répliques ou des restitutions.

d. Mais, surtout, lorsque l’objet survit, c’est seulement en tant qu’image. Le Pop'Art est la peinture de la virtualité. On a fait un pas de plus du côté de la dé-réalisation de la peinture.

e. Et aussi, un pas de plus (concomitant) du côté de la dé-réalisation de l’artiste. L’objectif est que l’œuvre se produise elle-même. Moins il y a d’objet de la peinture moins il y a de sujet de la peinture.

f. Déjà, l’abstraction a fait cette avancée, avec Franck Stella (1936 - …). Ci-dessous, Gran Cairo, New York, 1962 Whitney Museum of American Art.



C’est le « cadre » de la toile qui en définit les contenu (les lignes). Le carré du châssis se reproduit à l’intérieur de lui-même. Nous sommes aux antipodes de l’action Painting.
-Rejet de l’illusionnisme : régularité du motif.
-Rejet du cubisme : uniformité de la couleur.
-Rejet du subjectivisme : soumission de la peinture au châssis.


II. ROY LICHTENSTEIN (1923 – 1997)

1. Comme les nouveaux peintres abstraits, les artistes pop recherchent l’expression immédiate et la planéité.
La bande dessinée, à cet égard, est un objet privilégié largement exploité par Lichtenstein, comme par Warhol. Par exemple Look Mickey 1961 Washington, National Gallery of Art


2. La bande dessinée est une image qui se donne pour une image.

-Il y a eu l’image qui se donnait pour le réel (illusionnisme de la peinture classique).
-Il y a eu la peinture qui se donnait pour une non-image (Manet puis la peinture abstraite).
- Il y a maintenant l’image qui se donne pour une image.

3. La bande dessinée est un médium de masse.

- Il y a eu la peinture qui se donnait comme un des fleurons d’une culture élitiste (depuis la Renaissance).
- La BD se donne comme un nouvel art (le neuvième) pour une culture de masse.

4. Mais, dans la BD, l’image se perd (comme image) dans sa succession narrative. Lichtenstein isole la vignette et l’agrandit dans de fortes proportions lui donnant un nouveau statut.

5. Il en résulte que l’œuvre fait apparaître, met en évidence les conditions de la production d’une image. Ici, Hopeless 1963 Aaken, Ludwig Forum fûr Internationale Kunst.



On se souvient (voir cours de 2eme année) que Cézanne peignant La Montagne Sainte Victoire s’efforçait de mettre en lumière les conditions par lesquelles cette montagne nous apparaissait comme montagne. Un pas plus en retrait encore, Lichtenstein s’interroge sur les conditions par lesquelles une image nous apparaît comme image.

6. La dépersonnalisation recherchée du sujet est accentuée encore par l’utilisation de la méthode Benday qui est un procédé de photogravure permettant d’ajouter à un cliché au trait des points renforçant le caractère mécanique de la réalisation de l’image. Ci-dessous, Crying Girl (détail) 1964 Milwaukee Art Museum.






7. Lichtenstein ne prend pas ses sujets uniquement dans la bande dessinée. Il s’inspire encore des maîtres du passé: Cézanne, Picasso, Mondrian, Monet. Mais, au lieu de partir des œuvres originales de ces maîtres, il part de reproductions bon marché et toujours en conservant la technique de la bande dessinée. C’est l’image qui compte. Par exemple, d’après Leger, Stepping out 1978 New York, The Metropolitan Museum of Art.




C’est à chaque fois une négation de la peinture.
C’est que Picasso, Matisse, Mondrian, Monet sont devenus des objets de grande consommation au même titre que la bande dessinée.

8. Dans le même esprit, Lichtenstein réalise des sculptures qui rappellent le design de l’architecture d’intérieur des grands magasins d’avant-guerre. Ici, Long Modern Sculpture 1969 Pasadena, Norton Simon Museum.





9. A côté de la bande dessinée et des reproductions populaires des œuvres des grands maîtres, Lichtenstein s’intéresse aux objets (toujours de grande consommation). Là encore, ce n’est pas l’objet lui-même qui est en cause, mais ses images (dans le mode d’emploi). Par exemple : Step-on Can with Leg 1961, Krefeld, Kre-felder Kunstmuseum.


10. Plus récemment, dans les années 90, Lichtenstein s’en prend à la décoration. Ses tableaux figurent en somme des pages de catalogues présentant une décoration « moderne » de différentes pièces d’un appartement (donc encore des images des objets). C’est la série des Intérieurs. Interior with Mirrored Wall 1991, New York, MoMA, New York.





III ANDY WARHOL (1928 – 1987)


1. Warhol est l’un des premiers à utiliser l’encre industrielle et la typographie. En 1962, il adopte la technique Silk Screen c’est-à-dire le décalque photographique sur soie.

2. A 1962 remontent encore les premières images sérielles faites à partir de photographies reportées sur la toile par sérigraphie.
La peinture disparaît (de la peinture). Seule l’image apparaît, amplifiée par sa répétition. Marylin, Elvis, Mao, Jackie Kennedy n’existent, en tant que stars, c’est-à-dire en tant qu’images, qu’à des millions et des millions d’exemplaires. (Elvis (sérigraphie) 1964).




3. Warhol procède généralement de deux manières: la répétition, dans les sérigraphies ou l’isolement. Un objet de grande consommation (comme ici une boite de soupe) est représenté pour lui-même, mais dans un format monumental (183 x 137 cm) Big Torn Campbell’s Soup Can 1962 Zurich, Kunsthaus.





C’est que la star est à mettre sur le même plan que la boite de soupe Campbell. Elle est un produit de consommation.
Alors, Qu’est-ce qu’un objet de consommation ?

-Ce n’est pas l’objet qu’on achète et possède.
-Ce n’est pas l’objet dont on use.
-Ce n’est pas un objet matériel
-C’est une image.
-Par exemple une marque. Une marque est une image.

4. Et, comme la mort est aussi un objet médiatique de grande consommation, elle constitue un thème important de l’œuvre de Warhol : accidents (Orange Car Crash 1963 Vienne, Museum Moderna Kunst, ou Five Deaths, Eleven Times in Orange ), chaise électrique (Big Electric Chair 1967 Stuttgart, Collection Frohelich, ci-dessous), Orange Disaster 1963 New York, Musée Guggenheim.




IV JAMES ROSENQUIST (1933 - …)


1. Des images encore, en très grands formats, mais surtout fragmentées. Comme le regard pressé et versatile que le citadin porte à la publicité. Pourtant, en dépit de cette fragmentation, les éléments ne se télescopent pas. Il y a une unité formelle évidente qui tient à la continuité instituée entre éléments contigus. Cette même apparente continuité qui est dans le regard citadin. Ici, Painting for the American Negro (203 x 533,4 cm) 1962-1963 Ottawa, National Gallery of Canada.



2. Certaines compositions présentent un caractère quasi-abstrait. On pense à Rothko, avec 1, 2, 3, Outside (1963 Spencer Museum of Art).




V. TOM WESSELMANN (1931 – 2004)


1. Fin 1959, Wesselman abandonne l’expressionnisme abstrait en réalisant de petits collages. En 1960, il peint des nus d’après modèles en pensant à Matisse.

2.
Puis, c’est la longue série des Great American Nude où l’inspiration de Matisse est encore présente:

- silhouettes comme découpées aux ciseaux,
- rappels formels comme dans le Great American Nude de 1961 qui rappelle irrésistiblement le Nu Rose de Matisse (1935 Baltimore Museum of Art).



3. La peinture a toujours donné une image de la femme (la mère : Marie, l’objet de désir : nymphe, déesse, baigneuse).
La publicité s’est emparée de la femme pour en donner une nouvelle image : non plus objet de désir, mais moteur de désir.
Un objet de désir est toujours une image (il ne peut être que fantasmé). Comme moteur de déplacement (du corps désirable à l’objet qu’il faut désirer), le corps féminin devient un objet de consommation. Encore une image mais d’une autre nature.
La peinture donnait un support au désir (les coffres de mariage ou de courtisanes, les tableaux de mariage conçus comme « stimulants »). La publicité me fait être le support du désir de cette femme. La femme « objet de consommation », est celle qui s’offre à mon désir :
- gracieusement (ce n’est pas une prostituée)
- et qui désire mon désir (elle est sincèrement aimante, elle prend soin de moi). Ainsi des femmes de Wesselmann. (Great American Nude 1963).




4. De 1962 à 1964, Wesselmann ajoute à ses Grands Nus une série de Natures mortes composées d’images de denrées alimentaires et d’ustensiles de cuisine découpées dans des affiches. Mais son principal centre d’intérêt reste le nu féminin dans la chambre à coucher ou la salle de bains.




Ce corps-là (Sed Free 1968) n’est pas celui des nymphes ou des baigneuses. Il est généralement sans visage (comme celui, uniforme, anonyme, des mannequins dans la pub). Associé à la cigarette, il est une invitation à fumer.

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Le Pop Art est donc un nouveau réalisme. Il se fait le miroir d’une société urbaine qui se regarde comme « société de consommation ».

L’objet de l’œuvre, comme pour les Nouveaux Réalistes français, c’est le Réel. Simplement, les artistes ont compris que le Réel était devenu imaginaire.

Ce sont donc des images que l’art donne à voir. Ces images sont les objets de consommation autour desquels, à quelque classe qu’ils appartiennent, les individus se regroupent et dans lesquels ils se reconnaissent.

L’hyperréalisme portera à l’extrême cette conscience d’une réalité entièrement imaginaire.


VI. APPENDICE : LE POP'ART ANGLAIS

C’est en Angleterre qu’est né le Pop'Art. Mais sous influence de la culture de masse américaine. Plus de 10 ans avant Warhol et les autres, tout est là.

1. Richard HAMILTON (1922 - …)




Just What Is It that Makes Today's Homes So Different , So Appealing ? 1956.
Tout est là, déjà : le magazine populaire (Young Romance) affiché au mur ; la pin-up étendue sur la canapé ; les objets de la technologie moderne : radio à transistors, magnétophone. Même le mot « Pop » sur la raquette de tennis.

2. Eduardo PAOLOZZI (1924 – 2005)


Il est le premier à réaliser cette « mise en scène », en 1947, avec I was a Rich Man's Plaything.


Ici aussi, la pin-up, le magazine populaire et les logos publicitaires. Ses œuvres sont réalisées principalement à partir de collages d’images empruntées à des magazines.

3. David HOCKNEY (1937 - …)

Plus que le thème, c’est le traitement de la toile qui rattache Hockney au Pop art (et qui fait un lien, peut-être, avec l’hyperréalisme). Un traitement photographique. Par exemple : Portrait of an Artist (Pool with two Figures) 1971 Coll D.Geffen.




Ou Still Life on a Glass Table 1971-1972 Coll privée.



Avec le Pop'art, la peinture « progresse » encore dans la même direction.

Les Nouveaux Réalistes avaient voulu que l’artiste cède la place au réel. Ce réel, ils l’avaient rencontré dans les rebuts de la société urbaine, dans une matière pure en somme (puisqu’elle avait perdu sa forme industrialisée).

Sur l’autre versant, le pop'art (pour qui l’artiste doit aussi céder sa place au réel) rencontre le réel dans les objets de consommation qui sont des images c’est-à-dire de pures formes dématérialisées.

Les Nouveaux Réalistes (comme les Post expressionnistes abstraits) et le Pop'art définissent une période réaliste de la production artistique.

Les Hyperréalistes vont mener à son terme la perception du réel comme image.


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